La collection printemps-été 2019 de Kristina Fidelskaya sublime la définition d’un style pour devenir affirmation de ce qui est vrai. À la manière de l’Arte Povera, la créatrice se nourrit de matériaux évoquant le monde naturel mais qui, en dépit de leur simplicité apparente, portent en eux l’essence même du luxe. Elle reste fidèle à une constante : celle d’une féminité perçue à la fois comme une revendication et un art – une identité qui résiste à l’épreuve du temps. Superbe !
Des détails subtils comme un liseré apparent transformé en bords “jour de Venise”, des tissus si beaux qu’ils s’affranchissent de toute nécessité de doublure… Inspirée du Nouveau Réalisme, cette ode à la “singularité collective” s’exprime par l’exploration des formes, des volumes et des finitions dont le seul point commun est leur différence. Dans une démarche qui rappelle celle de l’artiste Raymond Hains, les embellissements sont abandonnés pour révéler une nature nuancée et multidimensionnelle qui fait ressortir toute l’essence du vêtement – le contraire du minimalisme. Une palette estivale d’écrus rosés, de blancs crémeux ou de noirs profonds évoque la légèreté, l’air. Des notes audacieuses de jaune et des touches métalliques se heurtent à dessein et rappellent la toile d’atelier, ce canevas involontaire qui porte la trace de chaque coup de pinceau autant qu’aucun tableau. L’éclat du taffetas technique, le murmure du Gazar de viscose métallique, la simplicité d’une popeline de soie lamée, un motif Vichy représenté de manière littérale ou incorporé dans des dessins créés par l’aiguille et le fil… Tous font état d’un monde moderne dans lequel la mémoire, loin de se perdre, s’enrichit du travail de l’artisan. Les silhouettes habitent l’espace liminal de l’entre-genres, s’inspirant tout autant d’un David Bowie que de la liberté insouciante d’un Deauville en plein Âge d’Or. Si demeure une impression de grunge contemporain, c’est pour mieux exprimer l’infinie liberté qui émerge d’un contexte post-consumériste.