Est-il possible de célébrer la Haute Couture tout en faisant une lecture critique de celle-ci et d’être fidèle aux règles strictes édictées par la Chambre syndicale de la Haute Couture tout en les décomposant pour créer un ordre nouveau ? Ce sont ces interrogations que Maria Grazia Chiuri a soulevées pour cette collection, à l’issue de l’exposition «Christian Dior, couturier du rêve», qui a mis en lumière, les exceptionnelles créations de la Maison qui rendaient hommage à ce lieu sacré et intemporel : l’atelier. C’est par cette rencontre entre un système de règles établies et la créativité la plus libre que, pour Maria, la couture devient rébellion : une sorte de «guérilla» idéologique qui explose aux frontières d’une tradition ancrée, sans jamais les outrepasser. Et ça marche !
Les ateliers sont des temples, gardiens de la pensée. C’est au cœur de cette mémoire de la couture – cette série d’images, de formes, de couleurs et d’attitudes – que se déploie la vision créative de Maria Grazia Chiuri. Pour ce défilé, cette créatrice hors pair est revenue aux fondamentaux et a imaginé des tailleurs dans lesquels les manches de la veste Bar deviennent des ailes de chauve-souris. La véritable transgression étant de se référer aux règles d’usage tout en détournant leur syntaxe. La palette des couleurs poudrées (brique, vert, rose ou orange), en dialogue avec le Nude, colore les vêtements, mais aussi les accessoires – bijoux fantaisie raffinés, voilettes et chapeaux – telle une continuité complémentaire du corps que la couture met à l’honneur. Les robes du soir, éblouissantes par leurs différents plissés, ou par leurs jeux de superpositions, contrastent avec des bustiers simples qui offrent une dissonance surprenante. La forme sculpturale d’une robe de soie rouge cousue d’une seule pièce ouvre la voie à une série de créations majestueuses et intimes, à la fois retenues et explosives : la couture devient alors un lieu psychologique de résistance féminine.