L’été indien. Ces simples mots rappellent la beauté des paysages d’automne si caractéristiques. Dans les sous-bois tapissés des feuilles jaunies par le temps, on se retrouve entouré de couleurs chaudes aux tons ocres et dorés. C’est dans cette douce ambiance d’arrière-saison recréée dans la nef du Grand Palais, que Karl Lagerfeld nous a transporté dans sa forêt imaginaire pour le défilé Chanel automne-hiver 2018-2019. Dans ce décor envoûtant, une palette de roux, rouges et orangés, de verts mousse et sapin, de bruns écorce, d’imprimés feuillages ou cernes du bois grisé accompagnent les noir et blanc signatures de la Maison. Une collection de prêt-à-porter enchanteresse, merveilleuse, élégante… On s’attendait presque à voir surgir Merlin !
De prime abord, on constate que les détails chers à Chanel ajoutent leur touche : galons façon branchages, boutons bijoux ciselés de feuilles, sautoirs en perles et pâte de verre pastel, colliers et bracelets entrelacés de chaînes et de perles, pendants d’oreilles graphiques ou boutons d’oreilles à cabochon. Le tweed, classique, duveteux, effiloché ou tissé, alterne avec le drap de laine, la toile de coton, la maille moelleuse et le velours côtelé ou milleraies. Des cuissardes, bottes et des derbies en cuir doré oxydé, des mitaines de cuir rose, des poignets de fausse fourrure incrustée de plumes, de grandes écharpes colorées réchauffent cette silhouette moderne et confortable. «Chanel, c’est la vie même, des vêtements qui ont une possibilité de vie», confie Karl Lagerfeld. La silhouette, longue et tubulaire, est tenue par des épaules carrées, des cols nets et hauts. Elle s’évase petit à petit de quilles et de basques à la manière de doubles ponchos horizontaux. La veste iconique s’allonge à mi-cuisse, se porte courte à la naissance de la taille. Le tailleur Chanel est twisté de basques ponchos. Les longs manteaux crayons, droits ou croisés, accentuent la pureté d’une ligne. Chaque fois, celle-ci est renforcée par un jeu de surpiqures en relief. Parfois, les manches sont doublées d’un drapé à l’épaule, rallongées de poignets dédoublés. La ligne crayon des jupes et des robes est chahutée d’une fente, d’une quille et d’une taille légèrement rabaissée. Les pantalons ceinturés adoptent des volumes exagérés. De larges manteaux frôlent le sol, détournent l’esprit des grandes capes en ajoutant des manches à larges revers, parfois des poignets et ourlets de plumes.
La nature à l’honneur
Le nouveau sac, nommé «31», créé par Karl Lagerfeld rejoint la famille des accessoires : la forme généreuse de ce cabas associe le cuir lisse au matelassé, à la toile de coton imprimée ou au tweed. De grands sacs en peau lainée traversent l’hiver en douceur. Le sac «11.1 » se pare cette saison de motifs écorces strassés. Le «Gabrielle» revient en version mini assortie aux tenues. Le «Camélia» se transforme en sac du soir étincelant tandis que la bûche de bois s’improvise minaudière en résine précieuse. La collection appelle l’hiver dans une sophistication poussée à l’extrême jusqu’au soir. En son cœur la petite robe noire de Chanel trouve son expression ultime, raffinée, simplement évidente. Les robes fragiles en tulle brodé et organza passent sous une veste transformée en doudoune matelassée et galonnée. Le cuir est incrusté de dentelle sur une petite robe noire à manches drapées, revient en pantalon associé à une blouse en mousseline soulignée de multiples volants aux coudes. Les rubans posés en chevrons enrobent des fourreaux ou un jabot posé au col d’une robe en tulle plissé. Des blouses en crêpe sont matelassées aux épaules et aux poignets. La dentelle et le velours noirs sont à peine poudrés d’argent, les paillettes sont tout aussi subtiles, jamais clinquantes. Des capes de fausse fourrure rehaussées de plumes enveloppent des superpositions de robes en dentelle. Jouant avec la transparence de la matière, leurs motifs de feuilles incrustées laissent paraître les veines des végétaux comme un filigrane. C’est là toute la grâce de la nature, à la fois forte et fragile, qui renaît sans cesse dans toute sa beauté et sa pureté. Un renouveau perpétuel qui rappelle que le temps n’a pas d’emprise sur les icônes, le style et l’allure de la célèbre Maison.