La découverte d’un millésime ancien procure toujours une vive émotion qui dépasse le simple point de vue œnologique. C’est lors d’un nettoyage en profondeur des caves de l’emblématique restaurant étoilé Paul Bocuse, à Lyon, que Maxime Valery, nouveau Chef sommelier, découvre, éparpillés dans divers casiers, 18 bouteilles de champagne Ruinart millésime 1926. Il s’agit du plus ancien millésime conservé de la Maison. Poussiéreuses mais en excellent état, la majorité d’entre elles ont été remises à Frédéric Panaïotis, Chef de caves de la Maison Ruinart, afin de rejoindre l’œnothèque de la plus ancienne Maison de Champagne. Ces flacons sont les témoins silencieux et inestimables d’une époque et du lien qui a uni un chef triplement étoilé, une table mythique et un grand vin.
Né le 11 février 1926 à Collonges-au-Mont-d’Or, là où se trouve encore aujourd’hui son restaurant le plus célèbre, Paul Bocuse est issu d’une longue lignée de cuisiniers dont on trouve la trace aussi loin qu’au 17ème siècle. Passionné de vin, il aura toute sa vie collectionné les meilleures bouteilles, privilégiant celles de 1926, son année de naissance. Une collection impressionnante qu’il conservait dans la cave située sous son restaurant et dont il partageait quelques spécimens avec ses proches. En 2019, un an après sa disparition, une partie de sa collection est vendue aux enchères au profit de sa Fondation. Le reste est encore conservé, avec essentiellement des Bordeaux de prestige (Petrus et Château Haut-Brion qu’il achetait en primeur chaque année), mais également d’autres trésors, dont des flacons de Ruinart 1926, le plus ancien millésime connu de la Maison de champagne. En Champagne, l’année 1926 suit l’arrivée à la tête de la Maison, de Gérard Ruinart de Brimont. nommé Président Directeur Général de la Maison. Maurice Hazart est quant à lui, confirmé au poste de chef de Caves qu’il occupe depuis 1911. C’est dans ce contexte que nait ce millésime, dans un vignoble champenois qui ayant souffert de la Première Guerre mondiale et du phylloxéra, vient d’être totalement restructuré. Les bouteilles ont gagné en solidité, puisque désormais soufflées mécaniquement. Pour des raisons pratiques, mais aussi parce que la main d’œuvre spécialisée manque, décimée par la guerre.
Une dégustation marquée par l’empreinte du temps
Lorsque Frédéric Panaïotis, Chef de caves de la Maison Ruinart découvre l’existence de ces flacons, il se rend dans la région lyonnaise pour les inspectés. Il est marqué par l’apparente très bonne conservation de ces vins qui ont près d’un siècle, et ouvre l’un des précieux flacons pour réaliser la note de dégustation : «Vin corsé, ayant de la chaleur. Très blanc. Doit faire un vin anglais parfait. Le vin n’a pas été trop altéré par l’oxyène avec le temps. Il conserve encore des arômes de fruits mûrs, d’abricot, de citrons confits, d’oranges confites. C’est remarquable.» explique-t-il. Quelques-uns de ces précieux flacons sont toujours conservés au restaurant Paul Bocuse. Ils ont désormais une place de choix dans les archives de l’établissement, aux côtés d’autres millésimes anciens de la Maison Ruinart.